Documents de référence

LE CHAMP DE L’ADDICTION

Dictionnaire des drogues, des toxicomanies et des dépendances. 2e édition. Paris : Larousse, 2004
Champ d’investigation théorique et pratique centré sur les comportements autoaliénants des êtres humains, les addictions, en particulier les pratiques de consommation de substances psychoactives pouvant engendrer des dommages et des dépendances. L’addictologie est à la croisée de toutes les disciplines qui s’intéressent à l’homme et à ses conduites (psychologie, neurobiologie, clinique…), mais aussi aux substances qu’il consomme pour s’automodifier (pharmacologie, histoire des drogues…) et aux contextes qui interagissent sur ces conduites (sociologie, géopolitique, économie, anthropologie culturelle…).

Le terme d’addictologie est beaucoup plus récent que celui d’addiction. Il consacre la naissance d’une approche commune, clinique, scientifique mais aussi politique de l’ensemble des conduites addictives. Sa naissance peut être datée, en France, des dernières années du vingtième siècle qui ont vu les rapprochements entre les professionnels des champs de l’alcoologie, de la tabacologie et de l’intervention en toxicomanie déboucher dans la création de sociétés scientifiques (comme la Fédération Française d’Addictologie), mais aussi l’apparition du mot addictologie dans des circulaires ministérielles (notamment celle créant les équipes hospitalières de liaison et de soins en addictologie) et même dans un texte de loi, la loi du 2/01/2002 qui a instauré la création de Centres de soins d’accompagnement et de prévention en addictologie (CSAPA qui constituent un statut d’établissement médico-social commun aux Centres spécialisés de soins en toxicomanie et aux Centres de cure ambulatoire en alcoologie). La naissance de l’addictologie correspond à la conjugaison de données épidémiologiques montrant un accroissement des polyconsommations, de données cliniques indiquant de fortes similitudes entre les différentes conduites addictives et de données sociopolitiques traduisant une volonté de plus en plus large de décloisonner les approches pour globaliser et améliorer les politiques de santé publique dans ces domaines. Cette conjonction a donné une base objective à la nécessité de “dépasser l’approche par produit pour s’intéresser aux comportements de consommation” (Philippe J. PARQUET), et à la notion d’addictologie visant “au-delà du clivage par produit, à étudier les pratiques de consommation et les conduites addictives” (Michel REYNAUD).

L’addictologie ne doit pas être réduite à ses dimensions clinique (l’addictologie clinique) ou médicale (la médecine des addictions) qui n’en constituent que des parties. La multifactorialité des pratiques addictives et leurs multiples facettes ne permettent pas de les réduire à de simples comportements pathologiques et imposent une approche tout aussi multidimensionnelle de leurs déterminants, de leurs formes, de leurs significations comme de leurs conséquences sur l’individu et la société. Le “risque de l’addictologie” (Michel CRAPLET) serait en effet que les individus ne soient plus définis que par leurs comportements au regard des addictions, et de “pathologiser” des conduites qui, pour une grande part, ne constituent que des modalités de la recherche de bien-être et de lien social, commune à la plupart des êtres humains.

Il faut d’ailleurs souligner que le terme de toxicomanie est né un siècle plus tôt avec le même souci de globaliser la définition d’une conduite d’assujettissement à divers types de substance, mais que, totalement assigné à la pathologie mentale avec des notions corollaires d’incurabilité et d’asocialité, le terme de toxicomane a grandement favorisé les discriminations dont ont été (et sont encore) victimes les individus ainsi désignés (Alain MOREL).